1) Pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis le tournage de cet épisode : où en est le jardin de la liberté aujourd’hui ? Existe-t-il encore ? 

Le jardin existe encore, et de plus en plus! Un de nos buts avec ce jardin c’est de faire en sorte qu’il devienne autorégulateur : que les plantes s’organisent elles-mêmes! C’est pour cela qu’on plante des vivaces. Tout l’espace que nous avons défriché depuis 4 ans est maintenant rempli, les plantes ont grossi et on est rendu à les diviser et à étendre le jardin sur de nouvelles plates-bandes. Donc l’été prochain on retire encore plus de pavés pour agrandir les plates-bandes. De plus, on réussit à tenir des meubles et quelques décorations au jardin. Ce printemps on a installé une pancarte permanente et un panneau d’interprétation, des bancs et une table. Malheureusement, des vandales ont pété la table trois fois et le panneau d’interprétation a été aussi brisé. Mais c’est pas grave!

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2) Un autre gros projet de réappropriation d’un espace dans Pointe St-Charles est celui du Bâtiment no 7 sur les terrains du CN. Peux-tu nous résumer l’histoire du CSA et nous dire où vous en êtes avec les actions autour du Bâtiment no 7 ?

Difficile de résumer en quelques lignes un travail de bientôt quatre ans… L’idée du CSA a été lancée en mai 2007 par le collectif La Pointe libertaire, qui a organisé une assemblée publique. Dès ce moment, plus de 20 personnes s’engagent dans le projet, qui n’est donc pas un projet de la Pointe libertaire.

Le CSA se donne comme mission de mettre sur pied une structure rendant possible la tenue d’événements politiques et culturels dans une perspective antiautoritaire et anticapitaliste. Cependant, le CSA est itinérant et n’a pas de maison, alors pendant deux ans, deux choses seront faites : d’une part, des dizaines d’événements et de projets sont mis sur pied : ateliers d’éducation populaire, flotte de vélos en libre-service (trois mois avant Bixi!), ateliers de réparation de vélos, partys et spectacle de groupes locaux, « one night squat » dans des bâtiments abandonnés, soirées de cinéma, cuisine collective, ainsi qu’un gros happening de trois jours, « Réclame ta Pointe! » en juin 2008. D’autre part, le CSA s’engage dans une campagne pour obtenir un bâtiment, mais en dehors des normes capitalistes. Seule solution : prendre un bâtiment! C’est ce que nous avons fait le 29 mai 2009 en occupant une ancienne usine sur la rive du Canal-de-Lachine, usine qui devait être démolie pour faire place à des condos. Malheureusement, la police a réussi à nous évincer rapidement. Qu’à cela ne tienne! On a ensuite assiégé la mairie de l’arrondissement et fait capoter les élu.e.s ainsi que le projet de condos (qui est arrêté).

Maintenant le CSA continue sa lutte pour obtenir un bâtiment. À la différence de l’action de 2009, le bâtiment est connu d’avance : il s’agit d’un building situé sur le site des anciens ateliers ferroviaires du CN dans la Pointe, poétiquement appelé « les laboratoires » ou le « Bâtiment no. 7 » (c’est son numéro sur le plan du terrain.) Une autre différence c’est que le CSA n’est plus seul dans cette lutte. En 2009, aucune organisation du quartier ne voulait soutenir notre action. Mais depuis lors, un comité rassemblant plusieurs organisations locales ainsi que la Table de concertation communautaire Action-Gardien s’est mis sur pied : le Comité « 7 à Nous » (« c’est à nous », jeux de mots…). Le Comité dont fait partie le CSA s’inscrit dans la lutte communautaire pour orienter le re-développement de ce site industriel de 3,5 millions de pieds carrés, payé 1$ par un gros promoteur immobilier en 2005 dans l’optique d’y déménager le casino de Montréal.

La lutte est en train de « mousser », la pâte lève, enfin dites ça avec l’analogie que vous voulez, mais les choses vont bien : un accord de développement à être signé par toutes les parties intéressées est en négociation et la demande du Comité 7 à Nous est que la cession gratuite de ce bâtiment soit incluse dans l’accord. Le propriétaire est, cependant, difficile à convaincre. J’irais même jusqu’à dire qu’il se battra jusqu’au bout pour ne rien concéder. Déjà qu’il met en œuvre tous les moyens dilatoires et d’intimidation à sa portée : poursuites judiciaires en diffamation, SLAPP, contestation devant les tribunaux, demandes indues, refus de rencontrer les acteurs locaux, etc.! Si bien que la communauté locale, si elle veut vraiment ce bâtiment, devra l’occuper illégalement, à mon avis, pour avoir une chance d’arriver à ses fins.

Je vous suggère ces liens :

Le site du Centre social autogéré : www.centresocialautogere.org

La section sur les Terrains du CN du site de la Pointe libertaire, qui recense tout ce qui concerne ce terrain depuis 2005 : www.lapointelibertaire.org/terrainsducn

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3) La Pointe Libertaire, qui participe activement aux projets précédents et à bien d’autres a fêté récemment ses 5 ans d’existence. Peux-tu nous suggérer quelques articles produits par l’Agence de presse libre de la Pointe qui donnent une idée de la diversité de vos activités dans la communauté ?

La Pointe libertaire est pas mal active depuis 5 ans. Notre but est d’implanter une dynamique autogestionnaire dans le quartier afin d’en arriver un de ces jours à la République autonome de Pointe-Saint-Charles! Pour ce faire, nous nous impliquons dans le mouvement social local et nous mettons sur pied des projets autonomes autogérés et anticapitalistes, comme le Jardin de la liberté, le CSA, l’Agence de presse libre de la Pointe ou la murale historique qui s’en vient sur un mur aveugle appartenant au CN. On a réussi à arracher le droit de faire cette murale à la suite d’une action directe de « graffitage » qui a valu aux auteurEs une accusation de méfait et un procès. Une négociation serrée avec le CN (qui cherche à redorer son image publique) nous a permis de signer un contrat et ensuite de faire tomber les accusations de méfait, le matin même de l’ostie de procès! Comme quoi l’action directe, c’est payant! Mais il faut parfois accepter de se mettre en danger. [cette histoire est raconté par Anna Kruzynski dans l’épisode 2 de Enfin les vacances]

Nous n’avons pas de document récapitulatif de nos 5 ans qui soit public. Cependant, la station de radio CKUT a capté l’atmosphère lors de notre party 5e anniversaire (écoutable ici)

Je peux inviter les gens à visiter notre site Internet, où sont recensées toutes nos actions, et plus encore! www.lapointelibertaire.org

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4) Des rumeurs courent à l’effet qu’un nouveau parti politique de droite très « lucide » avec François Legault, Joseph Facal et l’appui de Lucien Bouchard se formerait vers la mi-octobre. Est-ce qu’à la Pointe Libertaire ça vous indiffère, vous fait peur ou… vous excite ?

Ça nous fait chier! Il va falloir encore mettre du temps à se battre contre des hosties de clowns cravatés qui nous détournent de l’action autonome. Des affaires comme les Lulucides et ce nouveau parti de la droite, c’est de « l’occupationnel » pour nous : ça nous prend du temps, il faut les contrer, organiser contre eux, mais ça nous mets sur le mode « réaction », et non plus sur celui de l’« action autonome ». On réagit à leur discours, on perd la capacité à déterminer l’agenda et on s’adapte au leur. Alors il faudrait peut-être le casser direct à la base, ce nouveau parti de vieux cons. Une séance d’entartement collectif, peut-être? Les anarcho-patissiers sont-ils prêts à sortir de leur cuisine?