1) As-tu fait d’autres expositions ou travailles-tu sur d’autres projets depuis « Between States » que l’on voit dans l’épisode 4 ? J’avais vu tes superbes grands formats sur Haïti à Concordia il y a un an ou deux…

L’expo sur Haïti en 2008 a été rediffusée dans une autre galerie en janvier 2010. C’était mon projet de thèse dans le programme des Beaux-arts à Concordia. Un projet qui m’a pris 3 ans de recherche, de rencontres et de voyages en Haïti. Le projet a eu plusieurs volets: pas mal de journalisme indépendant, un dossier Internet produit par Citizenshift (ONF), une collaboration, qui continue aujourd’hui avec une organisation populaire, et l’exposition finale qui a touché la troublante question du coup d’état de 2004 et les séquelles de cette tragédie.

Depuis la fin de ma maîtrise, je n’ai pas produit pas de projets artistiques, mais je poursuis mon implication avec SOPUDEP (http://www.sopudep.org/), une école qui accueille des enfants parmi les plus pauvres.

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2) Tu es d’ailleurs retourné en Haïti récemment pour documenter la situation là-bas depuis le tremblement de terre. Peux-tu nous en parler un peu ?

Je suis allé en Haïti en juillet dernier voir l’état de Port-au-Prince et surtout pour comprendre l’impact du tremblement de terre sur la vie des gens. J’ai publié plusieurs articles là-dessus depuis, dont un qui explique l’impact du séisme sur l’éducation au pays.

Un pays qui souffrait déjà trop souffre encore plus maintenant. Tout ce qui marchait mal avant le séisme (institutions, services, infrastructure) marche encore moins bien maintenant, au point où les gens n’ont pas de sécurité alimentaire, peu de chance de trouver du boulot et, pour les centaines de milliers vivant dans les camps, aucun espace intime ni sécurité physique. Ce qui m’a surpris, c’est que la ville est en réalité debout à 90%. Toutefois, les structures sont instables et les gens refusent de dormir dans leurs maisons. On vit donc dans les conditions très précaires, dans les camps. C’est une catastrophe.

La question de la reconstruction est primordiale et extrêmement complexe. On parle de rebâtir une ville pour 2 ou 3 millions de personnes. Le pire, c’est que le modèle de reconstruction a été conçue sans consulter la population, et donc au lieu de créer une Haïti autonome avec un secteur agricole fort, on vise à transformer le pays en centre de lieux touristiques et d’usines de fabrication de produits destinés à l’exportation. C’est honteux.

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3) Qu’as-tu pensé du canular de cet été inspiré des Yes Men où un groupe de québécois, de français et d’américains ont filmé une fausse conférence de presse du ministère français des affaires étrangères annonçant le remboursement de la dette historique qu’Haïti avait dû payer à la France suite à son indépendance, un montant qui a pris 122 ans à payer et qui s’élèverait aujourd’hui à environ 40 milliards de dollars US ?

C’était très bien effectué et la cible était tout à fait appropriée. Le rôle de la France dans la catastrophe haïtienne est extrêmement important. Une notion même primitive de justice nous mène à conclure qu’elle a une lourde dette envers le peuple haïtien. Je pense que des actions de ce genre doivent être encouragées dans le but d’exposer les injustices du monde.